Loys Masson’s 1935 Article

“Revue des Deux Mondes” 15 Novembre 1935
“La France A L’Ile Maurice”, Loys Masson, pp.338-357

(p.342)
[…]
Nous aurons fait une courte halte à l’embouchure d’un ruisseau, la rivière des Galets, où vous aurez eu à subir une nébuleuse histoire des trésors. Ont-elles jamais existés, ces richesses fabuleuses, enfouies quelque part sur le littoral? (p.343) Point ne sais. Légende ou réalité cependant, il fut un temps où ces problèmes passionnèrent chez nous de nombres Œdipes. La recherche du Trésor était à la mode. Plusieurs de mes relations avunculaires s’y jetèrent à corps perdu. Enfant, je me souviens de plans aux consonnes cabalistiques qu’on scrutait le soir à la lampe, de flèches et de croix tracées d’une encre pâlie. Adolescent, j’eus la bonne fortune un dimanche d’escorter ces oncles romanesques dans une de leurs expéditions. Je vis en effet sur de larges pierres plates quelques-uns des signes dont parlaient les documents, là un organeau, une tortue, plus loin des vestiges d’alphabet cryptographique. Malgré de longues fouilles, nous ne sortîmes rien. Pourtant cela a été, j’en suis sùr. Je fus longtemps en possession de lettres adressées par un sieur Najeon de l’Etang, vétéran corsaire, à un de ses neveux, des Seychelles. Il ne m’en reste, hélas! que de pauvres copies. Je me permets d’en détacher pour vous ces passages.

La première est datée du 20 floréal an III. « Par nos amis influents fais-toi envoyer dans la mer des Indes et rends-toi à l’Ile de France. Au lieu indiqué par mon testament, remonte la rivière, remonte la falaise allant vers l’est : à 25 ou 30 pas Est conformément aux documents tu trouveras les marques indicatrices des corsaires pour établir un cercle dont la rivière est à quelques pieds du centre. Au nord donc et à quatre pieds du sud tu trouveras exactement l’entrée d’une caverne jadis formée par un bras de la rivière passant sous la falaise et bouchée par les corsaires pour y mettre leur trésor et qui est le caveau désigné par mon testament… »

De la seconde : « Je donne à Jean-Marius-Justin Najeon de l’Etang. Mon neveu, savoir… les trésors sauvés de l’Indus : j’ai naufragé dans une crique près de Vaquois et j’ai remonté une rivière et déposé dans un caveau les richesses de l’Indus et marqué B. N. mon nom… »

Et d’une troisième, commençant par cette apostrophe quasi biblique : »Frère bien aimée… Il y a trois trésors. Celui enterré à ma chère Ile de France est considérable : trois barriques en fer et jarres pleines de doublons monnayes et lingots de trente millions et une cassette en cuivre remplie de diamants des mines de Visapour et de Golconde… »

Qu’est-il advenu de cette litière de Crésus ? Qui nous le (p.344) dira ? Aurions-nous fait fausse route ? Seule une certitude persiste : de Jean-Marius Najeon ou de ses descendants personne ne résolut l’énigme. Après eux personne également. Les jarres précieuses, les caisses de doublons, avaient-elles été enlevées par un affilié de la bande aventureuse ? Dorment-elles encore aujourd’hui dans l’antre inconnu, gardées par quelque sentinelle fantôme ? Le sphinx adamantin ne veut pas parler…